NSNAMDLM
DOC 234—34/2



NSNAMDLM

Ndoho Ange, Juan Ferrari, Fallon Mayanja, Esther Meunier Corfdyr, Nicolas Pirus, Sandar Tun Tun et M.Y
NSNAMDLM (nous sommes né.e.s au milieu de la mer) est le titre d’une installation chorégraphique et multimédia immersive.

Son point de départ : les corps en mouvement et leurs relations à la mer. A travers ce projet, ce sont une dizaine d’artistes qui sont invité.e.s à co-composer ensemble une partition polyphonique, aux croisements d’une pluralité de corps, d'histoires, d’identités, d’engagements, de compétences et de solidarités.

Plus que le recueil de points de vue sur les eaux, NSNAMDLM fait le pari d’une hétérotopie à vivre et s’envisage comme une plateforme d’expérimentation collective, (r)alliée à de nouvelles pratiques d’engagements somatiques, poétiques et politiques.


Qu’elles exhalent librement ou soient contenues entre les parois de dispositifs humains (barrages, aquariums, piscines, installations, etc.), la mer et les eaux nous semblent génératives d'un ensemble d'expériences esthétiques et somatologiques critiques.

De fait, quels autres éléments sinon la mer et les eaux nous lient le plus véritablement les un*es aux autres et ce, qu’on en observe les dimensions amniotiques, hypnotiques ou ne serait-ce que nourricières ? En même temps, ne sont-elles pas aussi le terrain d’enjeux géopolitiques capitaux, en prise directe à des stratégies de mobilisation des ressources comme des corps ?

Puisant source au sein de questionnements et d’urgences liées à l’imaginaire, la rencontre et l’exotisme d’une part, au déport et à de l’usage des populations et des espèces de l’autre : il nous importe donc de traverser/diffracter une multitude de ces « histoires d’eau entre nous » ––– de ces liens qui nous rassemblent quoi qu’ils restent indissociables de motifs à la fois économiques, écologiques, décoloniaux, technologiques et symboliques.


NSNAMDLM consiste ainsi en une imploration (plutôt qu’une exploration) des propriétés relationnelles que nous inspirent la mer et les eaux, à la jonction de l’esthétique et de l’éthique, du poétique et du politique. Et ce, vers d’autres méthodologies, d'autres modes de co-existence et d'entraide mais davantage encore d'autres modalités de co-création, pour d'alternatives mythologies et communautés. NSNAMDLM ne nous invite donc pas seulement à réfléchir aux données de la modernité « liquide », à la remise en cause de l’Anthropocène (en lien à la question du biopolitique), ni même aux possibilités de sortie des catégories antagonistes de l’humain et du non-humain, mais nous engage et nous incite :


1) à (re)p.e/a.nser l’interdépendance de nos infrastructures, habitus et inconsciences collectives, en lien à la manière même dont nous entrons en relation avec un territoire d’altérité profonde comme la mer, les eaux, et l'ensemble des corporéités qui les traversent, les habitent ou s’y échouent.


2) à reconnaître et rassembler nos latitudes/longitudes/solitudes face à la mer et aux eaux, comme les coordonnées géographiques qui décriraient l'espace-temps d'une expérience véritablement commune : un lieu où il devient possible de négocier, mutualiser et (re)potentialiser nos désirs.


La « mer » de NSNAMDLM est autrement dit cette scène à partir de laquelle associer des corporéités les plus marginal.isé.es, et ce, quelles que soient leurs espèces, formes, genres, histoires ou identités.

Sa forme se situe au croisement de quatre dimensions :

  • mêlant collage, glitch et animation 3D, les projections visuelles mettent en image la porosité des êtres et des corps d’eaux rencontrés au fil de NSNAMDLM. Leurs processus de production à partir de scans 3D de corps en mouvement rendent perceptibles les corps physiques/mythologiques/rêvés qui peuplent les mers et les océans. Les supports de projections utilisées (brumes, panneaux LED transparents, rideaux d’eau, etc…) restituent ainsi l’expérience d'une échappée des frontières de l'image et la représentation de ce que serait (ou non) un "corps" dans ses multi-dimensions de profondeur, de temporalité et de lisibilité.

  • la dimension acoustique de NSNAMDLM nous sert à la fois à raconter des histoires (de déambulation/appréhension/compréhension) et à délimiter des étendues (fluidité/orientation/désorientation). Issue d’expérimentations interactives son-mouvement ainsi que de diverses techniques d’enregistrement de terrain, la matière sonore est par la suite utilisée pour produire une partition dynamique à performer en live. Puisées auprès des acteur*rices du projet et d’autres entités liquides (mais aussi leurs environnements, gestes, voix et mouvements) : les projections sonores tendent à plonger/affecter/infecter public et performeur*ses au sein d’un espace d'altérité sonore, vibratoire et auditive.

  • par-delà la composition d'un espace visuel et sonore, la scénographie de NSNAMDLM s'intéresse plus particulièrement cette fois aux manières d'engager le public comme corps. Reprenant des éléments de variation maritimes/liquides/aqueux ––– érosion, température, humidité/brumisation, salinité, plasticité, fluctuation, etc. ––– la scénographie permet de recréer un espace-enveloppe (amnios|fascia|aquarium|cale) à partir duquel d'autres relations de perméabilité, frictions, transformation et projections deviennent possibles. Pour ce faire, la scénographie d'ensemble se déploiera à 360° suivant un principe d'infiltration et d'exfiltration de l'espace-temps ainsi créé.

  • de la même manière que ces dimensions (s’)adressent à des corps-fluidités, la dimension chorégraphique du NSNAMDLM (re)pose l'urgence de « corps d’eau » comme fruit d’une reconnaissance/résonance au lieu d’une représentation/réflexion. Mais comment entrer en reconnaissance et résonance avec des « corps » historiquement exclus du statut d’« humain*e » sans rejouer des rapports de fétichisation/exhibition/exposition ?

A défaut d'une réponse réifiée, NSNAMDLM déploie un ensemble gestuel tiré de danses urbaines comme tout autant de mémoires/rencontres/résistances, et qu’elle propose d’activer au travers d’outils et techniques comme entre autre l’hypnose pour la création. Le développement de ces processus chez les danseur*ses et les non-danseur*ses produit ainsi des variations quant aux qualités de gestes, de réaction, mais aussi de présences collectives et solitaires (genèse de mouvements involontaires, mutation des formes d'écho, contamination des impulsions et des affects, etc.). Une materia prima qui, nous l’espérons, nous mènera vers d’autres communalités possibles entre « nous » et les mers.

NSNAMDLM consiste autrement dit en un display associant sons, images et scénographie sous la forme d'une matrice immersive plurielle, comme une manière de réceptacle/contenant possible à de ces expériences et récits de mer ambivalents. Non pas une "structure physique centrale/frontale", mais en une véritable plateforme multimédia capable d'associer/envelopper/immerger les artistes-chercheur*ses-performeur*ses et les publics à travers l'ensemble de leurs sens : auditifs, visuels, proprioceptifs, sensibles et collectifs.

NSNAMDLM est en somme l'espoir d'une navigation, d'une rencontre, d'une dérive ou dérivation ; entre différentes strates, différent.e.s êtres, différentes histoires, différentes solitudes. Passées, présentes, futures.






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